Blog: Liaison halogène : définition, modélisation et applications

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par: Leonardo Raso parcours « Chemoinformatics and Physical Chemistry », Milan-Strasbourg, 2022

Les halogènes sont considérés comme des substituants neutres dans de nombreux composés organiques. Néanmoins, des études menées ces dernières années ont montré qu’ils peuvent avoir des interactions significatives avec les bases de Lewis, ce que l’on appelle la liaison halogène [1]. Cette interaction est due à une région de potentiel électrostatique qui devient positif à proximité de l’atome halogène. Plus spécifiquement, cette région est située sur le prolongement de l’axe qui relie l’halogène à son atome voisin et est appelée trou σ (Figure 1). Le trou σ peut être caractérisé par trois paramètres :

  • la magnitude, qui est la valeur positive maximale sur une surface isoélectronique choisie ;
  • la taille, qui est la surface de la région positive du potentiel électrostatique sur une certaine surface isoélectronique ;
  • l’extension, qui est la distance à laquelle le potentiel passe d’une valeur positive à une valeur nulle dans la direction de la liaison qui porte l’halogène.

En chimie quantique, le trou σ peut être étudié à l’aide de méthodes ab initio, mais celles-ci ne permettent d’étudier que de petites molécules. Néanmoins, il peut être intéressant d’étudier le rôle de ces interactions dans des systèmes de grande taille, tels que les complexes protéine-ligand. À cette fin, il est plus pratique d’utiliser la mécanique moléculaire.

Contrairement aux méthodes ab initio, le trou σ doit être explicitement intégré dans le champ de force. Il existe deux approches pour ce faire. Dans la plus simple, une charge positive supplémentaire est ajoutée à proximité du trou σ, mais cela ne modélise que les propriétés électrostatiques du système. L’autre approche, plus précise, reproduit l’anisotropie de la densité électronique de l’halogène. Elle introduit des paramètres dépendant de l’angle dans les termes de Van der Waals et de Coulomb du champ de force.

Dans les interactions protéine-ligand, les liaisons halogènes peuvent apporter des contributions significatives, étant donné que chaque acide aminé d’une protéine possède au moins une fonction de base, à savoir l’oxygène du groupe carbonyle. En effet, la liaison halogène a trouvé sa place en chimie médicinale ces dernières années.

Par exemple, Zhou et Wong ont étudié le rôle de la liaison halogène dans la kinase Haspin par des méthodes théoriques [2]. Les auteurs ont étudié l’interaction entre la kinase et quatre ligands halogénés de la tubercidine et ont remarqué que l’énergie de liaison augmentait pour les ligands ayant un substitut halogéné plus lourd. Cette tendance soutient la thèse selon laquelle la liaison halogène peut être modulée dans une série d’inhibiteurs halogénés. Il s’agit, d’un aspect intéressant de la liaison halogène: sa capacité à être ajustée. Les paramètres du trou σ dépendent fortement de la nature de l’halogène. Plus l’halogène est lourd, plus la magnitude et la taille du trou σ sont importantes. Le châssis du ligand joue également un rôle dans ses propriétés. La liaison halogène est donc un outil polyvalent en chimie médicinale et pour la découverte de médicaments.

Figure 1: Electrostatic potential projected on a surface of 0.001 au electron density of methane (A), fluoromethane (B), bromomethane (C) and iodomethane (D). Image taken from reference [1].

[1] M. H. Kolář and P. Hobza, “Computer Modeling of Halogen Bonds and Other σ-Hole Interactions,” Chemical Reviews, vol. 116, no. 9. 2016. doi: 10.1021/acs.chemrev.5b00560.
[2] Y. Zhou and M. W. Wong, “Halogen Bonding in Haspin-Halogenated Tubercidin Complexes: Molecular Dynamics and Quantum Chemical Calculations,” Molecules, vol. 27, no. 3, p. 706, Jan. 2022, doi: 10.3390/molecules27030706.